MJO ou Oscillation de Madden-Julian
Dans les régions tropicales, l'intensité de la convection* est fortement liée à la présence d'eaux chaudes à la surface de l'océan, mais également au passage d'ondes atmosphériques qui vont moduler (booster ou inhiber) cette convection à la manière des vagues de l'océan, qui en progressant font monter ou baisser le niveau de la mer.
L'oscillation de Madden-Julian (MJO) est un phénomène ondulatoire atmosphérique qui circule d'ouest en est tout autour de la Terre, le long de l'équateur. Cette onde est la principale source des fluctuations du climat à l'échelle de la semaine ou du mois dans les régions tropicales.
Illustration 1 : Vue satellite (Himawari-8) d'une zone de convection renforcée (à l'intérieur du cercle rouge) au passage d'une phase active de la MJO, situation du 05/01/2019 à 17 UTC
(Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie)
Un peu d'histoire
En 1971, les scientifiques Roland Madden et Paul Julian (cf. illustration 2) ont observé et étudié les anomalies de champs de vents dans l'océan Pacifique tropical. Ils ont alors découvert l'existence d'une oscillation dans les champs de vents de l'océan Pacifique tropical qui présentait une période de 40 à 50 jours.
Ce phénomène fut d'abord considéré comme une curiosité qui prit le nom d'Oscillation de Madden-Julian. C'est à la suite du fort épisode El Niño de 1982-83 que la communauté scientifique a commencé à s'intéresser davantage aux phénomènes d'oscillations atmosphériques intra et inter-annuelles pour en étudier les impacts sur le climat à l'échelle du globe.
Illustration 2 : Paul Julian (à gauche) et Rolland Madden (à droite).
(Source : Dynamics of the Madden-Julian Oscillation)
Caractéristiques du phénomène
La MJO se caractérise par une zone d'anomalies positives de précipitations (phase active du phénomène), engendrées par de puissants nuages convectifs de type cumulonimbus, suivie et/ou précédée de zones d'anomalies négatives de précipitations, où l'air est plus sec et stable (cf. Illustration 3).
L'onde se déplace d'ouest en est le long de l'équateur (cf. Illustration 7). Sa période de révolution autour de la Terre varie entre 30 et 60 jours en moyenne, cela représente le temps que met le phénomène pour parcourir le périmètre terrestre et repasser par son point de départ. C'est pourquoi la MJO est aussi connue sous les noms d'oscillation 30-60, d'onde 30-60 ou d'oscillation intra-saisonnière.
Le phénomène, repérable par sa phase active de fortes précipitations, s'observe essentiellement dans les océans Indien et Pacifique. En premier lieu, des zones de précipitations anormalement fortes se développent dans l'ouest de l'océan Indien et se déplacent vers l'est sur les eaux chaudes du Pacifique ouest et central. Ensuite ces zones de fortes précipitations se délayent quand elles passent sur les eaux plus froides de l'est du Pacifique. Le signal du phénomène devient alors plus difficile à observer. Enfin la phase active de fortes précipitations reprend son développement lorsqu'elle traverse l'océan Atlantique.
L'intensité de l'onde présente une forte variabilité temporelle, c'est-à-dire que des périodes de fortes activités peuvent être suivies de périodes au cours desquelles l'oscillation est faible ou semble absente. C'est entre novembre et avril que l'on observe une plus grande fréquence des phases actives de précipitations de forte intensité.
Illustration 3 : Schéma illustrant le déplacement de la phase active de la MJO au-dessus de l'océan Pacifique équatorial.
(Source : Météo-France)
Suivi et observation de l'onde
Il existe différents moyens d'observation et techniques d'analyse qui permettent de suivre l'évolution des différentes phases (actives ou inactives) de la MJO. Le suivi de cette évolution est souvent présenté sous forme de graphiques temps-longitude (cf. Illustration 4) de manière à révéler l'amplitude et la localisation du phénomène. Pour cela plusieurs paramètres atmosphériques sont utilisés comme marqueurs, comme les anomalies de vents en basse altitude ou l'OLR** (Outgoing Longwave Radiation).
Illustration 4 : Diagramme temps-longitude de l'anomalie d'OLR entre 10°N et 10°S, unité Wm-2.
Les anomalies d'OLR négatives indiquent une convection renforcée.
Sur le diagramme ci-dessus, la progression vers l'est, entre le 9 décembre 2018 et le 6 janvier 2019, d'une phase active de la MJO (dans l'ellipse noire) est symbolisée par la flèche tiretée noire.
(Source : NOAA)
Le parcours effectué par l'onde le long de l'équateur est segmenté en 8 étapes (cf. Illustration 5), chacune correspondant à une localisation géographique de la phase active du phénomène. Le diagramme de phases de la MJO (cf. Illustration 6) permet d'illustrer l'intensité de l'activité de l'onde lors de sa progression à travers ces différentes étapes. Il existe 2 méthodes mathématiques (RMM1 et RMM2) qui combinent les observations (mesures d'ennuagement - OLR, de précipitations et de vents aux niveaux supérieurs et inférieurs de l'atmosphère) pour définir un indice de la force et de la localisation de la MJO. Lorsque cet indice est dans le cercle central du diagramme de phases, l'activité de la MJO est considérée comme faible. Plus l'indice s'éloigne du centre du cercle, plus l'activité de la MJO est intense. L’indice évolue dans le sens contraire des aiguilles d’une montre au fur et à mesure que la MJO se déplace d’ouest en est. Différentes lignes de couleur symbolisent différents mois.
Illustration 5 : Illustration présentant les 8 repères géographiques utilisés pour localiser la phase active de la MJO sur un diagramme de phase.
(Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie)
Illustration 6 : Diagramme de phases de la MJO, décembre 2018 (en vert) et janvier 2019 (en bleu).
À titre d'exemples, le 25 décembre (dans le cercle rouge), la phase active de la MJO se trouvait à hauteur du Continent Maritime et son intensité était forte. Le 15 janvier (dans le cercle rose), la phase active de la MJO se trouvait au dessus de l’Océan Indien (dans sa moitié est) et son intensité était faible.
(Source : BOM)
Illustration 7 : Animation illustrant le déplacement vers l'est des anomalies d'OLR au sommet de l'atmosphère (en bleu) associées à la position de la phase active de la MJO et les vents à 10 m de la réanalyse NCEP2.
Source : Météo-France
Influences climatiques de la MJO
La MJO influence les directions et vitesses de vents en altitude et en surface, la nébulosité, les précipitations et la température de surface de la mer. C'est la raison pour laquelle cette onde est la principale source de variabilité climatique intra-saisonnière dans les régions tropicales.
La MJO et le cycle de l'ENSO
Les scientifiques considèrent que l'oscillation de Madden-Julian peut avoir une influence sur le cycle de l'ENSO. L'onde ne provoque pas la mise en place des épisodes El Niño ou La Niña, mais peut agir sur leur vitesse de développement ainsi que sur leur intensité.
De plus, les statistiques montrent que la phase active de la MJO présente plus souvent une activité de plus forte intensité lors de phases La Niña faibles ou d'ENSO neutres. A l'inverse, la MJO aura tendance à afficher une phase active de plus faible intensité (voire absente) au cours d'épisodes El Niño ou La Niña modérés à forts.
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La MJO et les cyclones
L'onde se décompose en 2 phases : une phase active qui favorise la convection, renforçant ainsi les précipitations tropicales, et une phase inactive qui assèche l'atmosphère et inhibe la convection. Chacune de ces phases peut être plus ou moins prononcée et peut donc moduler plus ou moins l'activité des cyclones tropicaux, des dépressions tropicales et des moussons, exacerbant ou atténuant ainsi les phénomènes d'inondations et de sécheresses. C'est pourquoi la MJO est utilisée comme un des prédicteurs du développement des dépressions tropicales et des cyclones, car à mesure que l'onde progresse vers l'est, elle déplace avec elle une zone fortement propice à la formation de tels phénomènes.
On observe également en moyenne qu'il semble exister une relation inverse entre l'activité cyclonique dans le bassin du Pacifique ouest et celui de l'Atlantique nord. C'est-à-dire que lorsque l'un des bassins est très actif (en termes de dépressions tropicales), l'autre semble plutôt calme. La raison principale de cet antagonisme s'avère être étroitement liée à la localisation de la phase active de la MJO.
- Pour en savoir plus sur les prévisions statistiques d'activité cyclonique hebdomadaire dans l'hémisphère sud basées sur l'influence de la MJO cliquer ici.
La MJO et le temps en Nouvelle-Calédonie
Le cycle diurne des précipitations et l'orientation des vents dominants en Nouvelle-Calédonie sont directement liés aux régimes de temps résultants de situations synoptiques particulières.
- Pour en savoir plus sur les types de temps en Nouvelle-Calédonie cliquer ici.
L'oscillation de Madden-Julian peut favoriser (a contrario défavoriser) l'installation de certains de ces régimes de temps et par conséquence influencer de manière indirecte les régimes de précipitations et de vents en Nouvelle-Calédonie. Dans un premier temps, lorsque la phase active de l'onde entame sa propagation vers l'est (zones 2 à 4 sur l'illustration 5), elle est susceptible de favoriser la génération de plus de vents d'Est sur la Nouvelle-Calédonie. Ensuite, lorsque la zone convective de la MJO atteint l'océan Pacifique occidental (zones 5 et 6 sur l'illustration 5), ce sont davantage des vents de nord qui auront tendance à circuler sur le pays, draînant dans leur sillage humidité, chaleur et précipitations. Enfin, lorsque l'onde poursuit son trajet vers l'Est (zones 6 et 7 sur l'illustration 5), ce sont davantage des vents de Sud qui seront favorisés sur le Caillou et les alizés quant à eux auront tendance à s'aligner comme des vents d'est.
Ces conclusions sont issues d'une étude réalisée en 2016 par Damien Specq, chercheur au CNRM de Météo-France, dans le cadre du projet PLUVA financé par le Fond Pacifique 2016.
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